0:54 AM Paul Valéry, Cahiers II, 1941 | |
La Politique est le produit
le plus ignoble et le plus néfaste de l’existence des sociétés humaines. Elle
séduit inévitablement les esprits à des spéculations dont la matière est la
liberté, la vie, les biens des individus considérés en masse, et qui supposent
toujours leur passivité et leur docilité obtenues soit par la crainte, soit par
la faiblesse d’esprit ; et ceci, quels que soient le système ou le régime qui
soient en vigueur, les intentions des politiquants, leur valeur ou leur vertu.
C’est une triste nécessité. Toute politique est une volonté de rendre une
population conforme à un modèle créé par l’esprit, et de mener les affaires de
cette masse comme une affaire d’un seul - ce qui se fait en nommant ce Seul :
Nation, Etat, peuple - etc. et en lui attribuant une sorte de sensibilité, de
susceptibilité, des appétits, des motifs d’orgueil, de peine, de joie etc., des
souvenirs, des regrets et des espoirs - qu’on essaye d’inculquer à tous. Si
chacun se croit propriétaire d’un territoire - dont la plupart ne possèdent
même pas un mètre carré, chacun est ainsi sensibilisé à l’égard des
accroissements ou diminutions de ce territoire et prêt à se battre furieusement
pour ou contre ces modifications desquelles cependant il n’a généralement rien
à espérer. (Paul Valéry, Cahiers II, 1941) | |
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